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Qui est vraiment créole dans le monde actuel ? 3/6

23/08/24
1ère outre-mer

Le mot “créole” peut-il avoir une dimension universelle ? Le mot s’exporte aujourd’hui loin de ses frontières. Comment est-il devenu symbole d’un monde hybride, de circulations et de partage ? Suite du décryptage géographique, humain, poétique, philosophique et politique autour de la créolisation. Dans cet épisode du podcast "Sommes-nous tous devenus créoles", la journaliste Alice Milot questionne Raphaël Confiant, Myriam Moïse et Isabelle Dubost sur ce terme "créole", comme néologisme de revendication de liberté et d'ouverture. Comment ce mot peut-il porter des questions politiques de représentation du monde ? Une idée de la créolisation L’écrivain martiniquais Raphaël Confiant est ancien professeur de langues et cultures créoles à l'Université des Antilles. Militant de la cause créole depuis les années 1970, il a publié en 1989 avec Jean Bernabé et Patrick Chamoiseau Éloge de la créolité, manifeste du mouvement esthétique du même nom. Il est membre de la direction du mouvement Martinique Ecologie. Il a été le premier écrivain martiniquais à publier un roman en créole, Bitako-a en 1985, avant de passer au français avec Le Nègre et l'Amiral en 1988. Auteur d'une soixantaine d'ouvrages, il a remporté plusieurs prix littéraires, dont le Prix Novembre pour Eau de Café en 1991 et le Prix Casa de Las Americas pour Ravines du Devant-Jour en 1993. En 2007, il a publié le premier dictionnaire du créole martiniquais, et depuis quatre décennies, il s'intéresse activement à la langue et à la culture créole, explorant les devinettes, les proverbes, les contes, et les aspects didactiques de la question. Avec l’évocation de souvenirs d’enfance, Raphaël Confiant reconnaît avoir vécu dans un bain de créole sans en avoir tout à fait eu conscience à l’époque. "Je suis au fin fond de la Martinique, dans les années 50-60, dans un minuscule bled et j’entends le français, le créole, le grec ancien, le latin, le tamoul, l’arabe… Je vois des cérémonies hindoues, je vais à l’église catholique et je sais très bien que le type du coin, c’est un quimboiseur c’est-à-dire un sorcier pratiquant les restes de religion africaine ; en fait c’est du vaudou dégénéré. Donc, j’ai vécu extraordinairement dans un monde multi-religieux, multilingue, multi racial puisque mon père est un métis noir chinois de Fort-de-France, de la ville…" Raphaël Confiant Raphaël Confiant a vécu cette multiculturalité comme une normalité car elle était sa seule référence. Son arrivée en France hexagonale après son bac, lui fait prendre conscience de l’existence d’une réalité différente. "Je n’avais jamais vu un monde où les gens avaient la même couleur". Des identités chancelantes Myriam Moïse, est maîtresse de conférences en études anglophones à l’Université des Antilles (Martinique). Depuis sa nomination en 2018, elle est secrétaire générale d’Université Caraïbe, association des universités et instituts de recherche de la Caraïbe. Ses domaines de recherche concernent les études postcoloniales, les études sur le genre, et l’analyse du discours, plus particulièrement les textes produits par les femmes afros caribéennes. Myriam Moïse livre quelques pistes de réflexion. Selon elle, le processus de créolisation s’est formé dès le départ sur des identités chancelantes. Elle se réfère à l’écrivain et universitaire barbadien Edward Kamau Brathwaite qui utilise l’image du limbo, cette danse sous un bâton parfois enflammé dans laquelle le corps est souvent chancelant pour passer sous le bâton. Le Barbadien, Edward Kamau Brathwaite, utilise cette image pour décrire les identités qui sont nées depuis la cale du navire négrier - ce chancellement est présent dès la traversée en bateau et dans la déportation des Africains d’un espace à un autre. "Le chancellement des identités, cette instabilité là, elle est propre à la créolité." Dans la Caraïbe, aux Antilles, dans les sociétés postcoloniales, et post-esclavagistes, les identités ne sont jamais fixes, statiques ; il y a toujours un mouvement et un processus de transformation. Le risque de dépréciation du terme de créolisation Le concept de créolisation s’exporte, voyage et devient symbole de revendication, de liberté et d’ouverture. Mais certains mettent en garde contre le risque de galvauder ce terme. C’est le point de vue d’Isabelle Dubost, anthropologue. Présentation : Valérie Bègue Journaliste : Alice Milot Reportages en Martinique : Jeanne Robet Réalisation : François-Charles Domergue Direction éditoriale d’Outre-mer La 1ère : Fabrice Hochard et Jean-Marc Party Production Executive : Thomas Baumgartner et Thibaut Potdevin Cheffe de projet éditorial : Julia Lasry Direction Artistique : Florent Texier Production originale : wave.audio

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